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Rubrique Art-icles


Le mobilier des palais italiens au XVIIIème siècle (article du 01 octobre 2001),

Les palais se distinguent des autres résidences par leur symbolisme : ils témoignent de la richesse, du pouvoir et éventuellement de la culture de leurs habitants. Ce rôle de "propagande personnalisée" se doit d'être aussi sensible à l'intérieur qu'à l'extérieur. De là découle la double distribution intérieure : les appartements de "monstrance" d'une part, et d'autre part les pièces à l'usage des familiers.

Antérieurs ou non au dix-huitième siècle, les appartements privés concentrent les trouvailles ingénieuses ou esthétiques. En effet, en France, on délaisse les réceptions solennelles, appréciées sous Louis XIV, au profit des dîners au nombre d'invités restreint. De cette manière, on festoie et l'on vit aux même endroits. En Italie, le phénomène diffère quelque peu car l'idée de luxe est étroitement lié à l'ostentation. Aussi conserve-t-on de véritables salons d'apparat, de sorte que le mobilier baroque italien reste à l'honneur jusqu'au Néoclassicisme. Ainsi, la galerie Buonaccorsi (Macerata, 1707) est meublée de grandes consoles (meuble de palais par excellence) dorées et sculptées. Par ailleurs, il s'agit d'un mobilier plutôt délicat, comme en témoigne les plaintes, au sujet des sièges, du président de Brosse en visite au Palais Foscari, Venise, 1739. La fonction d'avantage décorative qu'utilitaire des fauteuils et des consoles d'Antonio Coradini (Palais Rezzonico, Venise) explique la fragile finesse de leur ornementation.
En 1716, Lady Mary Wortley Montagu voyageant en Italie résume parfaitement l'atmosphère de ces palais en notant dans son journal que le confort n'y était pas inconnu même si les goûts restaient très traditionnels.

Mais les Italiens attachent désormais plus d'importance aux pièces fréquentées quotidiennement. Celles-ci reçoivent des affectations spécialisées : la salle à manger ou saleta est d'un usage courant en 1750, tandis que la salle de bain, pour des raisons de plaisirs et d'hygiène, apparaît en 1798. Dans cette mouvance, des catalogues sont imprimés, faisant circuler les idées : Invenzioni diverse di mobili ed utensigili [...] per usi communi della vita de Pietro Ruga, Milan 1811, Magazzine di Mobilia paru pour la première fois à Florence en 1795.
L'ameublement exécuté pour le Palais Caraglio de Turin 1760, n'aurait pas semblé déplacé dans un hôtel parisien une décennie auparavant.

Le mobilier était extrêmement dépendant de la décoration intérieure : il devait s'intégrer parfaitement, de sorte que les courbes des dossiers suivaient la découpe des moulures des boiseries et des stucs. Filippo Juvarra, architecte de la Cour de Savoie, exécuta de nombreux dessins de consoles et fournit sûrement les croquis des meubles des édifices qu'il conçut. De même, Conte Benedetto Alfieri dessina la galerie de l'Accademia Filarmonica (Turin, 1760) : les sièges et les consoles se placent si naturellement, dans la thématique générale, que leur absence ou leur délocalisation choqueraient l'œil du visiteur. Tiepolo fournit lui aussi des projets de meubles.

L'aristocratie romaine conserva ses faveurs au mobilier sculpté : quand Antonio Aspuci s'attaqua à la rénovation de la Villa Borghèse dans les années 1770, il garnit les galeries de grandes tables sur support de marbre en forme de lions ailés. Le Vatican, mécène de premier plan, commande des meubles de qualité parmi lesquels un superbe bureau de marqueterie vers 1770-1780 pour le pape Pie VI ; Ou encore une bibliothèque au piétement composé de huit Hercule de bronze dessiné par Vincenzo Pacetti et coulée par Giuseppe Valadier en 1789.

Elément constitutif, le miroir encadré est souvent assorti à une table, constituant une "paire". Il tient une place de choix, équivalente à celle des tableaux dans la réalisation de décors. Ainsi le voyage d'un français en Italie dans les années 1765-1766 décrit le château de Stupinigni où Juvara a imaginé de placer des miroirs sur les murs et des petits morceaux de glace dans le plafond de stuc. Le Palais Rezzonico (Venise) possède d'originales portes en glace dont les coupes sont peintes.

On pourrait ainsi multiplier les exemples : les palais royaux de Turin, de Gênes, de Baghéria et de Palerme ; le palais Isnardi de Castello, le palais Litta de Mantoue, le palais Riccardi de Florence, Palagonia... jusqu'à l'ambassade d'Italie à Paris.

Un bref commentaire d'un voyageur en 1765 sur le palais royal de Turin témoigne de l'effet rendu : "Les meubles répondent à la beauté de l'appartement : on y remarque entre autres des bras à bougies dont les plaques sont des miroirs enchâssés dans des cadres d'argent massif travaillés avec goût. Nous n'en faisons cependant la remarque que parce que cette sorte de meuble est forte en usage dans les appartements d'Italie, On les distribue ordinairement dans le pourtour des chambres, pour y jeter plus de clarté."



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